Il n’avait fallu qu’un choix, déchirant certes, mais essentiel, pour changer les choses. Ted s’était souvent assis seul dans le noir, pleurant en silence pour avoir pris une décision aussi stupide. Il s’était dit, souvent, que les autres, il s’en fichait, et qu’il ne voulait que les lèvres de Jessie contre les siennes…que ses bras autour de lui… Mais il fallait cela pour lui. Pour que sa vie soit belle, malgré son absence. Pour qu’il puisse vivre. La Grande Bataille avait laissé une marque… Jessie avait été dans le coma à peine une semaine, et pourtant, Ted avait été marqué par cela. À partir de ce moment là, il avait choisi de tout faire par lui-même, pour qu’il puisse être sauf. Les choses avaient bien changé depuis quelques années. Pourtant, il n’avait fallu que d’un simple visage, que d’un simple instant pour que le passé ne revienne le hanter. Teddy avait pourtant passé des mois à se vider l’esprit pour ne pas penser à lui. Il y était presque parvenu entre les missions suicides et les avances moqueuses de Victoire. Presque.

Et Morgan venait de tout faire éclater.

Il était en train de donner les ordres de mission à Éléonore et Phoenix quand les O’Connell avaient débarqué dans son QG, un Jessie inconscient dans les bras. Son corps entier s’était figé, et il avait fallu que Morgan crie pour qu’il réagisse. Teddy avait l’habitude du sang… mais jamais de celui de Jessie. Allant dans la pièce du fond, il appela une infirmière en vitesse, le regard toujours fixé sur le corps de son ancien amant. Un instant, il capta le regard de Morgan… Quand l’infirmière arriva, il décida de quitter la pièce. Il avait autre chose à faire. Il devait penser.

Dans son bureau, Victoire l’attendait. Elle avait vu l’O’Connell … elle savait ce qu’il ressentait. Le souffle légèrement tremblant, il alla se réfugier dans les bras de sa meilleure amie. Ted crut bien un instant qu’il allait éclater en sanglot, mais sa respiration était juste bloquée, et bien rapidement, il se rendit compte qu’il faisait une petite crise. Soufflant doucement, Victoire lui caressa le dos de long et large pour le calmer. Quand la crise fut passée, il la remercia du regard.

" Tu devrais en profiter pour lui en parler, tu sais. Tu serais bien plus heureux comme ça."

Ted ne put retenir un grognement et lui lança un regard noir. Habituée par son comportement animal, la blonde se contenta de lever les yeux au ciel avant de quitter la pièce. Ted alla prendre place à son bureau, essaya de mettre de l’autre dans les missions… mais bien vite, son regard se fit vague, et il commença à penser à Jessie.

Une dizaine de minute plus tard, il décida de quitter son bureau. Il n’arrivait plus à travailler, alors autant aller voir les jeunes hosts. En traversant les divers couloirs, il tomba sur Morgan. Sa colère lui revint soudainement, et il ne put s’empêcher de le plaquer contre le mur, le tenant par le col. Ses cheveux tournaient vers le noir.

" Tu avais promis une seule chose, O’Connell. Une seule putain de chose, et c’était de ne pas le lier à cette organisation. Tu t’souviens de c’que j’t’étais promis, hein? Heureusement que t’as une famille, sinon j’le ferais vraiment. "

Dans le couloir, quelque bruit de pas lui parvenir, suivi d’une odeur. Jessie. Il tourna sa tête dans sa direction au même où il apparut. Il était bien plus beau que dans ses souvenirs… plus vieux… le loup s’agita, et Ted du se faire violence pour ne pas lui sauter dessus.

" C’est… c’est quoi ce délire !!! Où est-ce qu’on est ?!! Et qu’est-ce que… qu’est-ce qu’il fait là, lui ?!! "

Sur le coup, il figea. La rage l’envahit, se déplaçant d’O’Connell. Son regard onyx se fixa dans celui de Jessie.

" Comment ça, qu’est-ce que je fous là? C’est mon organisation, et ton putain de frère était pas supposée te mener ici! - il tourna son regard vers Morgan. Il va très bien, maintenant. Bande-lui les yeux avant de le faire sortir d’ici, je veux pu le revoir. Je t’attends dans mon bureau dans 15 minutes "

Victoire avait été interpeler par les cris, et arriva au même moment. Elle déposa une main hésitante sur l’épaule de Ted, mais il la chassa d’un coup de main et se dirigea vers son bureau sans même jeter un coup d’œil à son amour. Il avait besoin de se calmer…seul.

Prenant place à son bureau, il prit sa tête entre ses mains, respirant à grand coup. Il lui fallut tout le temps qu’il avait donné à Morgan pour se calmer, et quand celui-ci cogna à la porte, Teddy lui dit de rentrer sans lui lancer un regard… une seconde à peine plus tard, l’odeur de Jessie lui parvint au nez. Levant les yeux, il croisa ceux de son ancien copain.

" Mais qu’est-ce que tu fous là? J’t’ai pourtant dit de dégager. "

Il y avait certes de l’agressivité dans sa voix, mais il y avait plus de lassitude et de fatigue qu’autre chose.

Il ne pouvait s’empêcher de le détailler du regard. Sa barbe naissante…ses yeux noisettes…ses bras…ses lèvres. Cela faisait près de deux ans qu’il n’avait pas vu Jessie, le fuyant de tout son possible. Il ne pouvait l’avoir près de lui et se retenir pour le toucher…l’embrasser…cela lui était complètement impossible. C’était inscrit dans ses veines, dans son âme…Teddy était né pour aimer Jessie… mais le destin était un joueur traitre, et Ted n’avait jamais eu grand chance envers les gens qu’il aimait. Il avait failli perdre Jessie une fois, et pensait que le maintenir loin de tout cela pourrait lui laisser une chance de rester en vie.

Quand il le vit face à lui dans son bureau, il ne s’était pas retenu et lui avait crié dessus. Jessie avait répondu tout aussi brusquement, et Ted avait senti son cœur se lever. Il avait aimé avoir dans sa tête des souvenirs de la voix de Jessie rempli d’amour, mais là, c’était une toute autre voix qui s’adressait à lui, disant des mots qu’il détestait. Ses cheveux pâlirent considérablement, tournant vers le jaune.

" Alors comme ça… tu suis finalement la même voie que ton parrain. J’aurais dû me douter qu’il viendrait te voir toi. J’aurais dû me douter qu’il te prendrait, un jour. Mais jamais je n’aurais pensé que tu le laisserais briser ce qu’on avait de plus précieux dans ce monde de fous... "

Sur son bureau, un cadre se cassa. Pourtant, Teddy n’y porta pas attention. C’était qu’un fichu cadre que Victoire avait mis de force sur son bureau, avec un sort super-glue. Le regard fixé dans celui de Jessie, il sentait la colère l’envahir de nouveau. Ne comprenait-il pas pourquoi il faisait cela? Qu’il ne faisait que cela pour lui, pour qu’il puisse vivre de nouveau. Les jointures blanches à force de serrer les poings, le loup se leva d’un mouvement sec, faisant grincer son bureau. La colère se faisait de plus en plus forte, et trop fatigué par ses jours de travail et les missions qu’il organisait, Ted laissa le loup prendre le dessus.

Il perdit surement un moment, car il maintenait présentement Jessie contre le mur, comme huit années plus tôt. Il pouvait sentir son souffle contre sa joue, et la chaleur de son corps l’attirer lentement…

" Comment oses- tu?! Tu comprends rien, Jessie! RIEN! Bordel, toute cette connerie, ce monde de fous, il failli te tuer! J’ai failli te tuer, tu comprends?! Je ne – Je …ARFF. "

Le lâchant brusquement, il se décolla de lui, prenant sa tête entre ses mains. Le loup-garou se mit à faire les cents pas, ne sachant que dire… que faire. Il pouvait avoir Jessie près de lui en un instant, s’il osait lui dire la vérité…mais cela mettrait sa vie en danger. Sentant un mouvement à sa gauche, il leva la tête et foudroya Jessie du regard.

" Dégage. T’étais pas supposé débarquer ici, t’étais supposé rester loin de ça. Retourne à ton fichu manoir et reste y. Ça s’rait mieux comme ça. "

Il retourna à son bureau, pensant sincèrement que Jessie allait quitter le QG. Que cette journée allait se terminer, et vite être oublier. Il crut même un instant que Jessie était sur le point de sortir, mais la porte s’ouvrit subitement, et Phoenix rentra dans le bureau. Jessie près du mur, derrière la porte, il ne put le voir. Feuille à la main, Phoenix vint s’assoir sur l’une des chaises. Ted haussa d’un sourcil, le dévisageant.

" Ta chanson, c’est d’la bombe. Bon, un peu trop mélancolique, mais les filles vont adorer. J’t’avais dit que ça t’aiderais, écrire sur lui. Monsieur, Je-fais-ça-pour-son bien, ouais, tu m’fais rire. Tu t’fais souffrir juste pour sa supposée « sécurité». "

Un craquement se fit entendre. Levant les yeux vers Ted, Phoenix put y voir toute la colère qu’il ressentait. Il resta interdit un moment, puis entendant finalement Jessie, il se retourna. Il ne fallut qu’une seconde pour qu’il comprenne la situation et qu’il transplane, les laissant là, comme si rien n’était. Les cheveux de Teddy tournèrent vers le mauve une seconde à peine, avant de tourner vers le rose, puis le noir.

" Dégage. Il disait n’importe quoi. "

Mais avant qu’il ne puisse ajouter quoique se soit, Jessie s’était approprié les paroles. Figé, Ted le laissa lire.

Ses mains tremblaient. Il sentait couler le long de sa nuque une quelconque sueur froide, et de sa gorge, il ne parvenait à rien avaler. Ted était figé. Complètement….littéralement… Face à lui, Jessie était en train de lire des mots qui venaient de son cœur… des mots qu’il aurait aimé garder à jamais hors de sa portée. Le connaissant, Jessie n’allait pas du tout apprécier son geste, mais Teddy s’en fichait. Il avait agi de la meilleure des façons selon lui, malgré le fait qu’ils en souffraient tout les deux. Il n’apportait que malheur à Jessie. Il n’était qu’un pauvre lycaon même pas capable d’être comme ses semblables.

Il aurait pu attraper la feuille, la faire bruler ou la déchirer, mais il n’en avait pas la force. Quelque part au fond de lui, quelque chose l’en empêchait. Quelque part, il voulait que Jessie soit au courant de tous…peut-être pourrait-il le détester assez pour disparaitre totalement de sa vie….mais Ted espérait tout de même le contraire. Il souhaitait, au fond de lui, que Jessie lui revienne…alors que c’était lui qui avait fui.

Son cœur se serra douloureusement quand Jessie leva enfin les yeux vers lui. Il y avait tant d’émotion dans ceux-ci…tant de colère, de larmes et de tristesse. Ses cheveux, déjà vert, tournèrent vers le jaune.

" Tu… Alors si tu m’as quitté c’est parce que… tu croyais que… tu… TU ES COMPLÈTEMENT CON MA PAROLE !!!!!!! "

Il ne put voir les choses venir. Malgré ses sens surdéveloppé, Ted ne s’y était pas attendu. Le coup de Jessie lui fit atrocement mal, et il put clairement voir du sang fendre l’air. Bordel, il était tout de même fort, l’O’Connell. Il s’était musclé dans les dernières années surement, car Jessie se souvenait de lui pour sa fragilité si particulière qu’il avait toujours adorer.

" Oui j’ai failli mourir ! J’ai failli mourir de chagrin Ted ! Comment as-tu pu faire une chose pareille !!! Comment ?!!!! C’est l’acte le plus égoïste que j’ai jamais vu ! Tu as choisis pour moi, et tu prétends que c’était pour mon bien ?!! "

Étrangement, les mots étaient bien plus blessant que les coups. Jessie était fort, certes, mais Teddy était si habitué au combat...Aux coups… que cela ne lui faisait presque rien. Non, le pire, c’était certainement les mots. Ou juste Jessie en lui-même. Sa détresse. Sa colère…Son amour. Il n’y eut que quelques coups de plus, puis Jessie lui tomba dans les bras, le serrant contre lui comme si sa vie en dépendait. Teddy aurait pu le repousser, lui dire de dégager de nouveau, mais il se contenta de souffler doucement et de fermer les yeux, profitant de l’odeur de l’O’Connell tout contre lui. Ils restèrent un long moment ainsi, et bientôt, des sanglots refoulés se firent entendre. Provenant des deux. Il ne savait pour quel raison Jessie pleurait, et encore moins pourquoi il pleurait lui-même. Quelque part, il était soulagé de le savoir de nouveau près de lui, même si c’était seulement pour un moment. Inspirant doucement, il essuya les larmes qui coulaient sur ses joues, accompagnés d’un peu de sang, et se redressa. Jessie voulut rester accrocher à lui, mais Ted se dégagea doucement, allant prendre place sur sa chaise. Il le regarda un instant tendrement…tristement… avant de détourner le regard.

" Oui, j’ai été égoïste… mais j’ai fait ce que je pensais être le meilleur des choix sur le moment. J’le regrette pas. J’veux pas que tu sois de nouveau mêlé à une guerre. Tu mérite mieux qu’une vie remplie de mort, et la mienne est ainsi… "

Au coin de ses yeux, des larmes perlaient toujours. Il avait envie de le prendre dans ses bras, de l’embrasser et de lui faire l’amour. Pourtant, il ne fallait pas. Rangeant les feuilles qui avaient virevolté un peu partout sur son bureau, il tenta d’ignorer les mouvements de Jessie dans la pièce… mais quand deux bras passèrent autour de son cou, lui faisant une accolade amoureuse et que Jessie enfouit son nez tout près de son oreille, il figea.

Son coeur se mit à battre la chamade. Il l'aimait tant.