Il toucha discrètement sa poche. Une fois encore, il soupira, comme il l’avait fait des centaines de fois ces derniers mois. Sa baguette était toujours là, même si elle n’était désormais plus qu’un bout de bois inutile. Il voulu la sortir, mais se ravisa un instant après. Il se sentirait encore mal, et revivrait ce qu’il avait senti la dernière fois. Il aurait encore l’impression qu’on lui arrachait le cœur, qu’on le privait d’une partie de lui-même.

Il regarda distraitement autour de lui, et s’aperçut qu’il était déjà arrivé au Chaudron Baveur. Il avait l’impression de ne marcher que depuis quelques minutes. Il regarda sa montre, cela faisait près d’une heure et demi. Il fallait qu’il arrête de s’échapper comme ça de la réalité. Certes, il n’avait rien à faire, mais il perdait encore plus son temps. Enfin, si, d’accord, il devait chercher un boulot. Cela ne faisait que quelques jours qu’il était revenu à Londres, et il devait absolument gagner de l’argent pour pouvoir dormir autre part que dans ces hôtels miteux.

Il gagna l’autre côté de l’allée, ouvrant la porte du bar. Le passage de pierres semblait désormais constamment ouvert. En même temps, plus personne n’aurait pu l’ouvrir magiquement. Il poussa la dernière vieille porte en bois qui le séparait du bar. Ca faisait plusieurs semaines qu’il n’était pas venu. A vrai dire, il avait quitté Londres quelques jours après avoir perdu sa magie. Il s’était senti tellement mal, sa seule envie avait été de bouger pour tenter de passer un peu le temps. Ainsi, pour la première fois, il avait pris l’avion, direction Tokyo.

A chaque fois qu’il se sentait mal, c’était d’ailleurs là-bas qu’il retournait. Après tout, s’il était né en Angleterre, ses origines étaient nettes, et il aimait ce pays à la culture originale. Il connaissait là-bas à peu près autant de monde qu’ici, mais il s’y sentait réellement chez lui. La première fois qu'il y était allé, il avait eu peur de s'y perdre, mais désormais, il pouvait dire qu'il connaissait Tokyo comme sa poche, ou presque. Il revoyait encore tout ce qu'il avait pu apprendre là-bas, de personnel, ou non. Il avait apprit que sa mère y était connue, dans le monde sorcier, pour avoir été exilé, après avoir tenté quelques actions contre le Ministère. Il n'avait pas forcément eu l'intention d'en apprendre sur elle, cela ne lui changeait pas sa vie, mais en fait, ça lui était plutôt tombé dessus. il avait rencontré un homme qui parlait de cette ressemblance troublante, et qui lui avait tout expliqué.

Mais maintenant qu'il était à Londres, il se devait d'oublier tout ça. Il n'avait jamais cherchée sa mère. Elle l'avait abandonné, elle ne voulait pas de lui, il ne voulait pas d'elle. Ce qu'il voulait, c'était retrouver celle qui lui avait réellement tout enseigné. Celle qui lui avait appris à vivre, et qu'on lui avait arrachée. La seule personne à peu près qui était digne d'un certain respect à ses yeux.

Il alla vers le bar, commandant distraitement quelque chose de fort, ne faisant même pas attention à quoi. Il s'assit à l'une des nombreuses places libres que proposait le bar, et attendit patiemment. Il n'avait pas plus soif que cela, mais au moins, il serait occupé, comme ça. Le serveur revint rapidement vers lui, et lui tendit un vers qui mélangeait rhum et citron. Parfait ! Il l'attrapa, et, alors qu'il allait le porter à ses lèvres, il sentit son dos s'affaisser. Il lâcha le vers sous la surprise et le choc, et celui finit sa course en se brisant au sol. Voyant flou un instant, il resta immobile. Lorsqu'il se sentit parfaitement bien, il se releva prudemment, évitant la flaque d'alcool qui s'étendait à ses pieds, et s'approcha de l'endroit où la personne qui avait chuté se relevait. Elle releva la tête, et murmura, très légèrement sarcastique.

Citation :

" Pardon, l'chinois "

Il la regarda, rageant. Premièrement, cet idiot le faisait tomber, et en plus, il se fichait de lui. Il retourna les yeux, dédaigneux, et repartit s'asseoir.

Citation :

" J'suis japonais, ab ... "

Il se retint, il ne cherchait pas non plus à se battre, même s'il se disait qu'il n'aurait pas eu trop de mal à gagner.

A ses ôtés, le serveur était en train de ramasser les bouts de verre, tout en essuyant le ponch qui coulait et commençait à s'éparpiller. S'il avait pu utiliser la magie, tout cela aurait déjà été fait depuis plusieurs minutes. Lorsqu'il eut terminé, il retourna derrière son comptoir, afin de lui préparer une autre boisson. Celui qui l'avait bousculé vint s'asseoir à ses côtés. Il ne le regarda pas, ne faisant que contrôler ses mains, pour ne pas se battre. Il fallait à tout prix qu'il contrôle cette envie de frapper dès que quelque chose ou quelqu'un l'énervait.

(HJ : J'ai mis il à peu près partout, mais ça peut bien sur être une fille, je changerai !)

Shin attendit patiemment que Tom lui reserve un verre, sachant que le barman, avec ce verre brisé, y perdait plus que lui. Vu l'accident, il n'allait certainement pas lui faire rembourser. Et Shin ne se dévouerait pas pour donner la somme en plus. Si quelqu'un devait rembourser quoique ce soit, c'était celui qui l'avait bousculer, et qui risquait, depuis plusieurs minutes, de s'en prendre un bonne dans l'arrête du nez. Le second verre arriva, et le japonais s'y plongea rapidement. S'il n'était pas vraiment habitué à l'alcool occidental, il devait admettre qu'il appréciait relativement bien le rhum. Et il le tenait bien. Il attrapa donc la boisson, l'avalant donc bien rapidement. Il sentit le liquide lui bruler la gorge. Il regretta un instant le geste idiot qu'il venait d'effectuer, mais il ne s'en voulut pas longtemps, et il en recommanda un.

Soudain, il entendit une voix grave. Il mit quelques instants à s'apercevoir qu'on s'adressait à lui. Il tourna la tête vers le brun, et mit bien dix nouvelles secondes pour se décider à répondre. Après tout, il n'avait rien à lui dire. Bon, il s'excusait. Certes, mais il n'était pas du genre à discuter avec les gens. Le second verre de rhum dut faire son effet, il se décida finalement à répondre, en déclinant à son tour son identité.

Citation :

" Yazawa. Shin Yazawa. Bonsoir ! "

Il attrapa la main que l'autre lui tendait, et la serra un court instant, avant de la ramener à ses cheveux, les repoussant ainsi en arrière. Il ne cessait de retomber dans ses yeux, mais il ne voulait les couper. Après tout, ce n'était rien, quelques mèches, après tout ce qu'il avait pu voir. Et puis, les mèches longues, c'était aussi de vieux souvenirs dont il ne voulait pas se débarrasser. Il essaya de se convaincre qu'il ne retomberai pas, mais à peine avait-il retiré sa main que ceux-ci revenaient à leur place de départ. Il ne s'en formalisa pas. Après tout, ce n'était pas comme s'il n'avait pas l'habitude ... Il s'attarda sur son verre, avant de réaliser, tout bêtement.

Il n'avait pas vraiment l'habitude de parler avec qui que ce soit, et pourtant, il se retrouvait là, à discuter avec cet homme qui l'avait bousculer. Ce n'était pas comme s'il avait trop bu, il n'en était qu'à son deuxième verre, et encore, il n'avait même pas pu ne serait-ce que tremper ses lèvres dans le premier. Nan, il était pas vraiment bourré. Juste changé, en fait ! Et il appréciait pas ça. Pas du tout. Il regarda même son deuxième verre arriver, sans vraiment en avoir envie. C'était pas normal, pas normal du tout.

Il réfléchit quelques instants, cherchant ce qui avait bien pu le perturber ces derniers temps pour qu'il soit ainsi étrange. Il ne se souvint pas avoir croisé quelqu'un d'exceptionnellement attirant qui aurait pu le chambouler, il n'avait pas eu une quelconque proposition de travail qui aurait pu lui permettre de gagner sa vie d'une manière tout à fait honnête, il n'avait perdu ou retrouver personne. A son grand désespoir. Il se dit qu'après tout, en buvant, il oublierai qu'il se sentait bizarre. Il attrapa son deuxième verre qui l'attendait patiemment, et se retourna vers son voisin. Il n'était pas d'humeur spécialement joyeuse mais ... On se saoulait mieux à deux.

Citation :

" A la votre, à cette rencontre bidon et ... à ce que vous voulez d'autre encore ! "

Les deux verres s'entrechoquèrent en un bruit aigu, et Shin n'attendit pas pour le porter à sa bouche. Cette fois-ci, cependant, il s'arrêta pour mieux savourer. Après tout, il n'avait pas de quoi s'en payer des dizaines comme ça, il devait limiter.

Et enfin, quand l'alcool commença à l'embrumer, il se dit qu'il s'était trompé. Ce gars, Hanson, ou il ne savait plus trop exactement. Il était mignon, en fait. Y'avait bien quelqu'un d'attirant qu'il avait rencontré, au fond. Bon, il se contenta de garder ça pour lui. Même sous l'effet de l'alcool, il savait se taire quand il le fallait. Et puis, il savait bien que dès qu'il était ne serait-ce qu'un peu saoul, il se mettait à trouver les gens absolument normaux très attirant. Il n'y avait pas vraiment fait attention, mais il y avait des chances que ce soit exactement la même chose pour lui !

Shin était plongé dans ses pensées lorsqu'il entendit un raclement de gorge. Un homme énorme était à côté d'eux, et fixait Seth - C'était bien son nom ? - avec une certaine rage dans les yeux. Mince, une brute épaisse. Il avait mal choisi son endroit, ce soir. Il voulait pas participer à une bagarre. Parce que si baston il y avait, il était le premier à s'interposer, et au final, c'était lui qui se faisait embarquer. Il avait l'habitude, hein. Cependant, le gros balourd perdu l'avantage, lorsque Seth sorti un revolver. Et voilà, en plus, il tombait sur un fou. Cependant, si plusieurs personnes crièrent, il ne réagit pas. Il en avait vu plus d'un dans sa vie pour ne plus être déstabiliser lorsque quelqu'un en sortait face à lui.

Il devait être le seul à ne pas s'être caché sous une table. Même avec l'esprit clair, il ne se serait pas rabaissé à ça. Il ne se mettrait jamais à genoux. Et puis, ce n'était pas contre lui qu'on en avait, mais contre le géant qui le regardait toujours aussi méchamment, mais avec peur cette fois. Ce gars, il avait déjà vu Seth tué. Il savait qu'il en était capable, sans quoi, il n'aurait pas eu cette peur. Mince, s'il y avait un meurtre, il serait forcément demandé en temps que témoin, et cela lui prendrait un temps dingue. Il pourrait peut-être tenter d'arranger tout ça. Avec quelques arguments, ça pouvait passé. Au pire, il se débarrassait du flingue, mais il se retrouvait alors avec ce charmant Hanson sur le dos. Enfin, si le gros balourd ne s'en était pas occupé avant. Bon, on tenterait de se contenter de la manière simple.

Citation :

" Eh, tu veux pas éviter de tirer, ça salit, après. "

Il fit un regard dépité. Bon, au moins, il finissait son verre avant de se retrouver avec un cadavre dans la même pièce. Il l'avait payé, il ne partirait pas si il restait une seule goutte au fond. Mine, il était affreusement alcoolique, ça craignait. Enfin, c'était idiot, car il savait parfaitement qu'avec un peu de volonté, il réussirait parfaitement à arrêter tout cela. Mais il s'en fichait bien au fond. Il tenait parfaitement. C'était comme la cigarette, au fond. S'il voulait arrêter, il aurait pu. Enfin, peut-être ...

Citation :

" Franchement, c'est galère, après, les papiers à remplir, quand y'a un mort. "

Convaincant , Bon, peut-être pas, d'accord. Mais il aurait essayé. Il regarda l'homme qui était entré en agressant Seth. Il voyait une lueur d'espoir dans ses yeux. Et de remerciement, aussi. Houla ! Il fallait qu'il se calme tout de suite, lui. Il se faisait de belles idées. C'était pas pour quelqu'un d'autre qu'il se cassait à tenter de convaincre Hanson, qui n'avait, pour le moment, toujours pas décidé s'il rangeait ou non son revolver dans sa poche. Bon, il fallait bien que Shin remette la vérité en place.

Citation :

" Y croit pas trop, le gros. C'est pas pour toi, que je fais ça, c'est pour moi, hein. J'm'en fiche, hein, moi, qu'tu crèves. "

C'était absolument vrai, au fond. Seule sa propre survie comptait, même s'il y avait aujourd'hui peu de gens pour en témoigner. Il savait bien qu'il ne mourrait pas ce soir. Après tout, le jeune homme n'avait pas l'air d'un grand fou prêt à tirer sur tout ce qui allait bouger. Non, il se contenterait de se débarrasser de celui qui le gênait, avant de quitter le bar en sachant qu'il ne se ferait pas attraper. Shin en était plus que persuadé. Sa vie passée lui avait apprit à reconnaitre les grands malades des gens qui avaient un but. Lui, ça se lisait dans ses yeux. Ils étaient tout à fait pareil au fond. Ils étaient aussi faibles tous les deux. Ils étaient tous les deux rendus fous par la perte de leur magie. Et ils n'étaient pas les seuls, et c'était dur à admettre. Si dur que, chaque soir, Shin descendait pour se débarrasser des quatre murs resserrés de son appartement afin d'aller boire en bas de chez lui, où à quelques rues.

Pas de papiers ? Ah, mais tout allait bien, dans ce cas-là. Il n’allait pas s’embêter pendant des heures et des heures dans un commissariat, qui aurait certainement une liste longue de plusieurs parchemins d'excuses pour le caser entre un drogué et un violeur. Il était bien mieux dans la nature. Et puis, la claustrophobie serait certainement bien présente derrière les barreaux. Non, il ne pourrait pas supporter. Tiens, il ne s'était jamais demandé ça, d'ailleurs; Comment ferait-il, s'il se retrouvait un jour dans l'ombre ? Il ne tiendrait pas, il en était persuadé. Avant, quand il avait sa magie, il ne se serait jamais inquiété de ça, mais désormais, il était aussi vulnérable que tous les moldus qui grouillaient, que tous ces gens qui s'étaient fait arrêtés, justice ou non. Il était devenu affreusement faible, et il ne pouvait plus rien y faire.

Il aurait pu rechercher sa magie, comme des centaines, peut-être des milliers d'autre. Il ne s'en était pas senti l'envie, la foi, le courage. Non, il avait sombré, lui. Qu'on l'oublie, c'était plus simple que de marcher sur le devant de la scène. Faiblesse, lâcheté ? Peut-être. Mas ces gens qui tuaient ne l'étaient-ils pas ? Ils ne parvenaient pas à prendre la vie comme elle venait, et c'était ça, leur lâcheté. Ils avaient peur d'un monde sans pouvoirs, d'un monde d'égalité, et c'était ça, leur lâcheté. Toute son enfance, Shin avait vécu sans magie. Il avait le droit de vouloir rattraper le temps, en souhaitant voir la sienne réapparaitre. les autres, eux, s'étaient immédiatement à la recherche de quelque chose qu'on leur avait pris, car ils ne le méritaient certainement plus. Ils ne savaient pas faire avec. Ils apprendraient à vivre sans ce bonus, sans cette facilité.

Shin regarda l'homme sortir, le canon planté dans la carotide. A moins que ce ne soit la tempe. Bon, il fallait dire que l'anatomie n'était pas son fort. Il prônait d'autres qualités, sachant à peine écrire sans fautes d'orthographes. Il avait fait ce qu'on pouvait appeler un formation accélérée, de part son absence de l'école primaire dans sa jeunesse. En quelques mois, effectivement, on lui avait appris à lire, à écrire, à compter. Sans que cela ne lui ai plus servi que de savoir voler un bijou à une grande dame et le revendre à son juste prix. Ça, c'était la vraie vie, le vrai commerce. ce qui permettait de survivre. Pas de lire trois lignes en se prétendant philosophe. Les plus grands chutaient, s'ils n'avaient pas de quoi s'acheter un parachute.

Lorsque le coup de feu retentit, Shin eut un mouvement de recul. Une vieille habitude qui le reprenait, certainement. Il ne tarda pas à se ressaisir, et il sortit du bar pour aller voir ce qui avait poussé Seth à en finir avec le grand imbécile, qui se devait certainement d’être un chasseur. Si Shin ne bougeait pas beaucoup de Londres, il n’était pas non plus complètement abruti. Il avait croisé de tout, par ici, et le chasseur n’était pas le premier qu’il voyait. Il n’y avait qu’eux pour être abattu ainsi de sang-froid. Mais il n’y avait aussi qu’eux pour abattre ainsi de sang-froid. Il était donc tombé sur un joli lot. Le pack bonus, le truc pour mettre un peu de piquant dans sa soirée. Il aurait peut-être préféré éviter. Car il savait que s’il voyait un cadavre, il reviendrait indubitablement sur les quelques corps qu’il avait lui-même laissé derrière lui, des camarades comme des ennemis. Cette jeunesse où il n’avait eu aucun allié, ou seule la survie avait pu être sa meilleur ami, et le pain son grand-frère.

Arrivé dehors, il hésita un instant. Droite ou gauche. L’odeur du sang chaud le poussa à gauche, et quand l’air commença à devenir irrespirable - un trop plein de souvenirs - il se dit qu’il était au bon endroit. L’homme qui avait pénétré le bar quelques minutes plus tôt gisait désormais contre le mur. Un seul coup. L’autre savait parfaitement ce qu’il faisait, il n’y avait pas à dire. Il ne s’était pas raté, visant un point vital. Une blessure propre, pas vraiment comme ce qu’on voyait dans les bas-fonds de Londres, lorsque la grande guerre avait été là. De loin, on aurait pu penser qu’il dormait. Certes, il dormirait longtemps.

Shin s’approcha de Seth, qui, lui semblait-il, n’avait pas énormément bougé depuis qu’il avait pressé la gâchette. Il se tenait debout, droit, et avait toujours cette petite lueur de fierté dans son regard. Une lueur de fierté qui cachait une infinie tristesse, Shin en était persuadé. Le japonais s’approcha du corps, et lui ferma les yeux. Une vieille habitude, certainement. Il allongea le corps du mieux qu’il put, il fallait dire qu’il pesait son poids, le bougre. Il finit par se retourner vers Seth, interrogatif.

Citation :

« Et franchement, vous compter en faire quoi ? Le laisser là et partir vers de nouveaux horizons, en cherchant votre belle magie, et laisser Tom se faire accuser, ou en tous cas jouer avec sa complicité ? Parce que sinon, vous pouvez m’aider à s’en débarrasser. Les gens à l’intérieur ne parlerons certainement pas. La peur les prend à la gorge à la première goutte de sang depuis qu’ils ne peuvent plus tenir une baguette sans verser une larme. »

Mince ! C’est qu’il parlait beaucoup trop, le petit Shin, lorsqu’il buvait. Il fallait absolument qu’il limite sur la dose d’alcool, les jours prochains. Même si ça faisait du bien. Oulà, mais ça n’allait vraiment pas. Le voilà qu’il se mettait à prendre de bonnes résolutions. Il était complètement atteint. Ou alors, les souvenirs d’enfance lui pourrissait encore plus l’esprit que l’alcool. C’était à démontrer. Il retroussa ses manches, les taches de sang, ça faisait mauvais genre, il connaissait, et entreprit de fouiller le cadavre. Un vrai charognard, il craignait. Enfin on, il avait toujours vécu comme ça, et ce n’était pas deux verres de rhum qui allait le refaire. Il finit par toucher ce qui, selon lui, devait être une crosse, et il en sortit une arme. Il n’aimait pas ces choses. Et puis, Le grand, à côté, en aurait certainement plus besoin que lui. En tuant, on se faisait des ennemis. Toute la vie devenait alors une grande chasse à l’homme, et en sortir n’était pas la plus aisée des taches.

Il entreprit ensuite de chercher dans les poches de pantalon. Quelle saleté. Il était plein jusqu’aux as. Monnaie moldue ? Ce que les gens savaient bien s’adapter, lorsqu’ils étaient victimes des lois de la jungle. C’en était amusant. Cependant, avoir quarante-huit livres et trente-deux penses ne l’avait pas réellement tiré d’affaire, et il gisait là comme un rat qui aurait trouvé un tas de poison dans lequel il se serait jeté. La gueule du loup. Loup aux dents aiguisés. Shin sourit. Au fond, il n’était pas si fort, cet homme. Quelqu’un ne pouvait prouver sa valeur qu’en en ressortant, du loup. Certains le faisait plusieurs fois d’en leur vie, d’autres n’en prenaient même pas la peine. Le japonais se plaisait à dire qu’il appartenait à la première catégorie, même si de temps en temps, il se laissait couler. Et il avait l’impression que Seth en était de même, lui aussi. Il n’avait pas le visage de quelqu’un à qui on marchait sur les pieds. Ou alors, c’était la dernière chose qu’on faisait de notre vie.

Shin s’arrêta un instant, hésita, et sortit la monnaie de la poche de l’homme. S’il ne le faisait pas lui-même, ce serait le premier qui découvrirait le cadavre qui se servirait. Au moins, il serait utiliser à bon escient. Shin savait parfaitement à quoi il l’utiliserait. Il le mettrait dans cette grande tirelire, et dès qu’il aurait économiser assez, il partirait à la recherche de celle qu’il avait perdu, en mettant tout ce qu’il pouvait dans cette recherche, même s’il devait y laisser sa vie pour lui parler une dernière fois. Cela faisait six ans qu’il vivait dans un appartement miteux afin de ne pas trop dépenser, il ne se laisserait jamais arrêté dans sa quête.

Il releva la tête vers le chasseur, qui le regardait, avec un semblant d’air étonné. Shin se demanda ce qui pouvait le perturber ainsi, et au final, il ne lui vient qu’une réponse. Il avait du se dire que l’argent lui appartenait. Mince, quarante dollars en moins. Bon, tant pis. Ah moins que ce ne soit la vue de ce charognard qui dépouillait sa victime de ses biens. Même si l’homme à terre n’était pas réellement sa victime. Ah, et bien désolé, on ne vivait pas tous pareil. Certains n’avaient pas les moyens, alors quand on proposait un peu d’argent facile, on prenait.

Dans une dernière prière qui s'adressait à un Dieu qui n’existait certainement pas, Shin tenta de soulever le corps. D’accord, ce ne serait pas gagner. Il devait facilement atteindre la centaine, et même si Shin avait toujours développé une force supérieure à la moyenne, il n’était pas habitué à porter des cadavres mous et pesant leur poids. De plus, s’il pouvait éviter de tacher sa belle chemiser achetée seulement quelques jours auparavant, ça pourrait l’arranger. Il jeta un œil vers le chasseur, signifiant clairement qu’il attendait là une aide quelconque. Au loin, on entendit quelques cris qui provenaient encore du bar de Tom, celui-ci devait avoir finalement fermé sa boutique pour la journée, et les clients, la plupart à moitié saouls, n’avaient pas encore du se remettre de leurs émotions. Ce fut à cet instant là exactement que Shin se dit qu’il ne devait avoir aucun cœur, mais que ça ne le gênait pas.

Le jeune japonais finit par se relever, et attendit que l'autre daigne se déplacer pour lui donner un coup. Si, en tous cas, il avait cela dans l'idée. Peut-être pas, après tout. Ce chasseur avait très certainement tout vécu, il savait mieux que les autres, mieux que quiconque. Il ne risquerait certainement pas de se faire attraper, trop intelligent. Même si c'était un tueur de Hosts qui gisait à ses pieds, il s'agissait d'un homme, et toute personne censée se serait douté que des poursuites allaient être encourues. Cependant, Shin n'avait rien d'une personne censée. Tout ceci ne lui passa donc pas par la tête. Il se mit juste à imaginer ce que pouvait représenter la vie de chasseur, le grand air, la nature. C'est ce qu'il deviendrait, un jour, lorsqu'il aurait les moyen de partir de chez lui. Il rechercherait celle qui avait été sa soeur, celle qu'on lui avait arraché, arrachée du cœur. Et il l'a retrouverai, ce n'était pas un espoir, c'était un serment. Ou presque.

En attendant, il se retrouvait avec des ennuis en plus sur les bras. Et ils pesaient lourds !

Shin regardait le corps qui trainait au sol, salissant le bitume d'un long manteau rouge. Devait-il être triste pour l'homme étendu là ? Certainement. Ou en tous cas pour sa femme, ses enfants, s'il en avait. pourtant, il n'y parvenait pas. Tout ce qu'il voyait, c'était un charognard qui avait certainement déjà ôté la vie à bon nombre de Hosts. Charognard ... Il devait admettre que ce mot lui correspondait bien, à lui-même. On l'avait toujours qualifié comme tel, déjà très jeune, lorsqu'il mordait, déchiquetait, frappait, pour une bouché de pain. Après tout, c'était un peu comme le défi qu'on lui avait donné, en le laissant à la rue. Deviens une charogne. Reste fier, mais deviens une charogne ! Le résultat n'était pas mauvais. Il aurait aimé revoir ses parents dans la seule idée de pouvoir leur montrer que malgré ce qu'ils lui avaient fait subir, il était toujours là, vivant. Mais c'était bien là la seule chose qui pourrait le pousser à les chercher. Et ce n'était pas réellement suffisant pour lui. Il avait bien d'autres choses à faire.

Quelqu'un allait venir pour se débarrasser de l'homme qui trainait au sol ? Soit. Cela énervait passablement Shin, mais il resta calme. En fait, il ne savait pas ce qui le tracassait le plus. Que le chasseur qui se tenait face à lui reste aussi insensible après avoir tué quelqu'un, ou le fait qu'un être magique allait bientôt se présenter à lui. En fait, au fond de lui, il savait bien que c'était la seconde solution. Des hommes qui tuaient de sang-froid, il en avait déjà croisé plus d'un. A une période de sa vie, même s'il tentait d'oublier, il en avait fait parti. Alors ce n'était certainement pas cela qui le perturberait à ce point. Non, il sentait bien au fond de lui, que ressentir de la magie ne lui faisait pas du bien. Après tout, à chaque fois qu'il croisait un Host, il avait la sensation qu'on lui arrachait un bras. Alors quand on lui disait explicitement qu'un d'entre eux allait apparaitre devant lui, il ne se sentait pas parfaitement bien.

Mais bon, il n'allait pas non plus partir à toutes jambes parce que quelqu'un allait arriver. Non, il resterait calme, comme il savait si bien le faire. Il se tairait, comme il savait si bien le faire. Et il cacherait sa souffrance, comme il savait si bien le faire. l'impassibilité, il en connaissait un rayon. c'était bien pratique. Car des faiblesses, il en avait. mais en sachant bien le cacher, on pouvait passer outre, faire comme si elles étaient inexistantes. Belle récompense, après des années d'expérience, de pratique. Il y gagnait beaucoup. Il finit donc par se lever, se disant que rester à genou, à part lui amener une crampe, ne lui procurerait rien.

Il se déplaça d'à peine un ou deux mètres sur la gauche, et se colla contre le mur de la ruelle, s'asseyant doucement. Il sortit ensuite un paquet de cigarettes de sa poche, en porta une à sa bouche, et l'alluma, avant de le ranger dans sa poche. Ill inspira la fumée, la laissant envelopper ses poumons. Il n'eut qu'à attendre quelques instants pour sentir le calme le prendre. C'était beaucoup mieux ainsi. Encore quelques instants, et la boule de nerfs qu'il était aurait exploser, lui procurant ces maux de tête qui le prenaient régulièrement. Quel médecin aurait pu lui procurer les cigarettes pour éviter cela ? Non, il se soignait seul. Comme un charognard ...